le dernier tour de ronde

Je ne veux me souvenir que des jolies choses...

Une nuit la question avait surgi :

"et si vous ne deviez garder qu'un seul de vos sens ?"

bien sûr j'avais crié : le toucher ! je ne veux vivre que par celui-là...celui-là, il me le faut tout à moi...je ne veux perdre ni le velouté d'une peau, le soyeux d'une chevelure,la douceur de la laine du voile blanc, le rugueux du sable, le piquant de la figue de barbarie, la dureté des rochers de la colline...

puis il y eût d'autres voyages, d'autres peaux, cheveux...

celui qui reste le plus vivace est piquant et douloureux quand les nuages de moustiques vous assaillent, glacé quand vous plongez nu dans l'eau du lac, rugueux comme la roche sous vos fesses quand vous vous hissez hors de l'eau...brûlant comme la chaleur du feu sur lequel vous cuirez le repas du soir, la pomme de terre que vous sortirez de la cendre...dur comme le sol sur lequel on étendra les duvets, comme le bois qu'il faut casser, moelleux comme l'oreiller que l'on avait glissé dans le sac à dos pour le petit...

on vit avec ses doigts, sa peau, son corps...

il faut sans cesse engranger du bonheur dans sa mémoire, celle de ses doigts comme celle de sa tête...pour les jours lointains ou si proches où seuls subsisteront les souvenirs...ces toutes petites choses qui aident à vivre, à tenir le coup quoiqu'il arrive...

si on a des enfants il faut les laisser se rouler dans la boue, jouer avec les cailloux, se frotter à ce qui pique, gratte, ce qui est doux et lisse...pour emplir leur boîte à souvenirs...qu'ils sachent bien qu'ils ont un corps, et qu'il faut en profiter tant qu'il est solide...

la ronde s'achève, merci Françoise de l'avoir lancée...

et courez rejoindre les amies de la ronde,

Angèle et Pixelle

elles ont mille et une choses à vous dire...