"Vint un temps où le risque de rester à l'étroit dans un bourgeon était plus douloureux
que le risque d'éclore." Anaïs Nin

mardi 12 mars 2013


Elles m'avaient tout expliqué. Au cours de ces plus de soixante ans qu'avait duré ma vie, j'avais largement eu le temps d'apprendre et donc de savoir exactement quoi faire et où.

Le jour du grand départ je n'avais pas peur. « Sois toi-même » était la simple recommandation. Alors j'ai enfilé ma longue robe, agrafé mon châle sur ma poitrine , mis mes socquettes aux couleurs vives, mes chaussures de marche et pris mon vieux sac à dos. Dedans un livre, un cahier, des crayons, quelques objets de toilette , un slip de rechange, un imperméable , une couverture et ma boîte à trésors... Là où j'allais je n'avais même pas besoin de maillot de bain.
Cette fois là je savais que le paradis existait alors je n'ai pas eu peur, la prochaine fois ce sera sans doute différent mais bon, on verra bien.
C'est comme un grand train surgi de nulle part, et puis le tunnel, la nuit... Il y avait même des escarbilles de charbon qui volaient comme lorsque nous allions au Havre pour rejoindre l'Angleterre. Je me suis endormie sur la banquette, la tête sur mon sac, comme avant.
Et puis le jour s'est levé, et la montagne est apparue. Le Pays de Sarah, enfin. Je savais qu'elle m'attendrait...
Cependant il est une chose que je ne savais pas . En descendant du train j'ai vu d'autres femmes descendre elles aussi, beaucoup en fait, chacune avec son sac léger sur l'épaule. Il y avait là Loumé l'ancienne qui arrivait tout droit du Cameroun, Sedna qui venait du pays Same, « Femme qui écoute » qui se prenait les pieds dans sa couverture , Clearwaters en sari, et plein plein d'autres...
des jeunes, des vieilles, de toutes les couleurs de peau... Nous avons longtemps marché sur le sentier qui menait à la ferme de Sarah. Les plus vieilles, les plus bancales étaient montées dans le buggy. La crise de rire pour hisser Loumé qui ne tenait plus sur ses jambes toutes maigres.
Sur la prairie se dressait une immense tente...Les cadres de bois étaient fin prêts.
Mais nous n'étions pas très pressées et puis les choses ne se font pas n'importe comment.
Sur l'immense table de bois blanc, chacune a posé ses provisions et nous avons servi le thé et le café. La saveur de ces fruits, de ce pain, de ces simples gâteaux partagés était incomparable, et chacune expliquait sa recette, les ingrédients...
Je ne sais pas l'heure qu'il était, l'air était vif, le soleil léger...Les voix se sont tues et dans le grand silence de la montagne Sarah a parlé.
« Vous savez toutes pourquoi vous êtes ici. Nous venons de pays différents, d'époques différentes, et l'espace d'une journée nous allons pouvoir échanger, travailler ensemble et coudre le quilt de vie. Chacune a des aiguilles, des fils, des ciseaux , son dé et ses morceaux d'étoffe, il y en a d'autres derrière dans le grand coffre. Tout sera mis en commun, les histoires vont pouvoir se coudre et se broder... Nous avons même le temps de teindre , il y a de nombreuses plantes tinctoriales près du ruisseau ... Travaillez en équipe mais allez aussi d'un groupe à l'autre pour découvrir et apporter... »
Je me suis installée près de Loumé. J'avais besoin de lui dire, de lui raconter mon frère, celui qui repose là-bas dans cette terre d'Afrique qu'il a tant aimé, j'avais besoin qu'elle me dise pourquoi et comment. Son sac était lourd de petits bouts colorés, certains usés à l'extrème :
-Tu vois, ça c'est un bout de la chemise de mon défunt mari, et ça le pagne que je portais pour travailler au champ et piler le manioc .
-Et tes autres pagnes , ils étaient comment ?
-Tu rigoles ma fille, deux seulement ça suffit, un pour le travail et l'autre pour aller à la messe ou au dispensaire des blancs . Avec ce vert là je voudrais faire un arbre à palabres... Va me chercher de quoi faire le tronc...
Sedna avait ouvert son sac en peu de renne et placé sur la table les aiguilles d'os. Je n'en avais jamais vu, elles sont d'une finesse incroyable ...Oui elle avait un bout de vieux cuir qui conviendrait pour le tronc.
-Aides moi pour le moment, tu te souviens de ce que je faisais à Jokkelmok ?
-Ah oui, tu crois qu'on peut trouver du lichen ici ?
-Mais oui, c'est la montagne magique, va me chercher de quoi teindre ces laines.
En allant vers le ruisseau j'ai entendu crier :
-Peaceful, come along !
Ah Clearwaters, mon amie de Bombay...Elle s'était surpassée, des fils châtoyants, des soies fines, des damassées...Tous les petits bouts de saris qui lui restaient...Nous avons partagé son thé au girofle et triés les soies par couleurs...
Mais mon lichen !!! j'ai couru vers les rochers et là surprise: de l'autre côté étaient installées des dizaines de femmes s'affairant autour des chaudrons, sortant de l'eau chaude les fils, les tissus, pilant les bruyères, les ajoncs, préparant des tas d'orties pour en extraire les fibres, filant le poil des chèvres ou des moutons...
-Salut Paisible, viens te servir, pour les tissus, les métiers à tisser sont dans la clairière voisine, va leur dire que le bain de plantain est prêt...
Tout l'après-midi j'ai circulé d'un groupe à l'autre, rincé, porté, lavé, cardé, filé , tissé, trié...mes mains et mes bras avaient les couleurs de l'arc en ciel et depuis longtemps j'avais balancé mes chaussures , l'herbe était tellement douce...
La nuit venue, nous nous sommes toutes retrouvées autour du feu, nous avons partagé le pain, le fromage, le miel et les fruits et bu des litres de tisanes étranges et délicieuses... puis chacune a sorti sa couverture l'a drapée sur ses épaules et les histoires ont commencé...Oui, j'avais pensé aux bols, j'avais même pris les vôtres !
La Mariposa nous a dansé sa danse du papillon, et « Femme qui écoute » celle de l'herbe...Les chanteuses, les conteuses se succédaient, les langues se déliaient, ah quelle fête...Puis nous nous sommes endormies « on dort les unes contre les autres... »chantait la lune...
Au petit matin, toilette dans la rivière, en tenue d'Eve, on s'est mutuellement frotté le dos et rincé les cheveux...Puis après le petit déjeuner nous nous sommes toutes retrouvées sous la tente...Chacune avait préparé son carré, racontant son histoire, celle de son peuple, de sa mère, ses grand-mères, soeurs, amies, filles...
et nous les avons assemblés à petits points et rebrodés...
Le grand quilt fut ensuite doublé, matelassé et surpiqué de vives couleurs. Je ne vous le décrirai pas, les mots me manquent...
A moins que... si voilà... asseyez -vous tout près, fermez les yeux, tenez-vous la main...
Ce quilt raconte l'histoire de ces milliers de femmes , artistes anonymes qui brodent , tissent, reprisent, cousent, dans tous les coins du monde depuis la nuit des temps...pour elles et leurs familles, pour que la vieille culotte devienne une belle nouvelle culotte pour le plus petit...pour coudre les langes et les draps, broder l'envers des cols, pas l'endroit, l'envers seulement comme là-bas dans cette île d'Asie dont j'ai oublié le nom...pour faire des choses utiles et belles à la fois, que la beauté entre dans la vie quotidienne...
Ce quilt raconte qu'un jour ces femmes prirent le train pour la montagne et que là....

samedi 1 septembre 2012

vendredi 20 juillet 2012

femmes sauvages, 2 peintures et 1 collage

 elle est sale et fatiguée, 
elle a fouillé la décharge, 
récupéré des trucs utiles, 
elle va les nettoyer, 
les revendre,
elle a besoin d'argent
pour l'école de sa fille
elle a mis ses bijoux de pacotille
pour être belle au retour de la petite
 elle vient de si loin
elle est si vieille
elle ne sait même plus son âge
elle vit là-bas sur son île
celle que tous envient
celle où l'on vit si vieux
chaque jour elle mange le riz et le poisson contaminé
bof,dit-elle ,mourir de ça ou d'autre chose
tu as eu raison de raser ta tête ma fille
tu as peut-être trouvé ton vrai toi...

jeudi 12 juillet 2012

samedi 12 mai 2012

TP, leçon de Février avec Tamara


ensemble on est plus fortes, on a le courage de parler, de montrer ses cicatrices...

PS: pour la technique voir Pixabeille

lundi 7 mai 2012

questions

se poser des questions, mais trop en même temps, prendre le temps de s'y habituer, de vivre avec...
c'est ce que dit Rilke, beaucoup mieux que moi:

Ne vivez pour l'instant que vos questionsPeut-êtresimplement en les vivantfinirez-vous par entrer insensiblement, un jourdans les réponses.
Lettres à un jeune poète (1929)
citation