J'ai repensé à Eaux-claires en feuilletant "La maîtresses aux épices"...En voici un extrait...
Curcuma
Quand vous ouvrez la caisse qui trône près de la porte d'entrée, vous le sentez immédiatement, bien que votre cerveau ait besoin de quelques instants avant de reconnaître cette senteur subtile, légèrement amère comme la peau et presque aussi familière.
Effleurez-en de la main la surface, et la poudre jaune et soyeuse collera aux coussinets de votre paume et au bout de vos doigts. De la poussière d'aile de papillon.
Puis portez votre main à votre visage. Frottez-vous en les joues, le front, le menton. N'hésitez pas. Depuis des millénaires, depuis que le monde est monde, les épouses - et celles qui aspirent à devenir des épouses - ont fait ce même geste. Cela effacera les taches et les rides, éliminera l'âge et la graisse. Pendant des jours, votre peau rayonnera d'un éclat jaune pâle, doré.
Chaque épice est liée à un jour particulier. Le curcuma est lié au dimanche, jour faste où la lumière grasse couleur de beurre dégouline dans les caisses, illuminant les légume secs à faire tremper, jour où l'on prie les neuf planètes d'accorder amour et chance.
Curcuma, qu'on appelle aussi halud, qui veut dire jaune, couleur de point de jour et son de conche. Curcuma qui conserve, préserve la nourriture dans un pays de chaleur et de faim. Curcuma, épice de bon augure, qu'on met sur la tête des nouveaux-nés pour leur porter bonheur, dont on saupoudre les noix de coco pour les pûjâ, avec lequel on frotte les bordures des saris de mariage.
Mais il y a plus encore. C'est pour cela que je les choisis seulement au moment précis où la nuit se transforme en jour, ces racines bulbeuses comme de noueux doigts bruns, c'est pour cela que je les broie seulement quand Svâti, l'étoile de la foi, resplendit, incandescente, au nord.
Quand je la tiens dans mes mains, l'épice me parle. sa voix évoque le soir, le début du monde.
Je suis le curcuma qui surgit de l'océan de lait que les deva et les asura barattèrent pour en faire surgir les trésors de l'univers. Je suis le curcuma qui apparut après le poison et avant le nectar et se trouve, en conséquence, entre eux.
Oui, je chuchote en me balançant à son rythme. Oui. Curcuma, fortifiant pour les peines de coeur, onction pour les morts, espoir de renaissance.
Ensemble nous chantons cette chanson, comme nous l'avons si souvent fait.
Chitra Banerjee DIVAKARUNI, La Maîtresse des épices, 1997.
lisez ce livre magique jusqu'à ce que Tilo fasse une rencontre amoureuse , puis abandonnez le et rêvez une suite, moins banale, à la hauteur des premières pages...
1 commentaire:
Merci de ces extraits que tu nous donnes à lire, de ces conseils de lecture...
J'aime tout particulièrement tes deux derniers bols à conter, qui évoquent des personnages et des pays lointains.
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