"Vint un temps où le risque de rester à l'étroit dans un bourgeon était plus douloureux
que le risque d'éclore." Anaïs Nin

vendredi 20 juillet 2007

Colette...

un petit texte que j'envoie à Délices de papier...
"Le réchaud à repasser, équipé en gril à braise, encombrait un coin de la terrasse, et mon voisin se faisait petit comme un chien de chasse le jour d'une noce.
-Ne crois-tu pas ,Vial, qu'ils aimeront ma sauce, avec les petits poulets? Quatre poulets fendus par moitié, frappés du plat de la hachette, salés, poivrés, bénits d'huile pure, administrée avec un goupillon de pebreda dont les folioles et le goût restent sur la chair grillée ? regarde-les, s'ils ont bonne mine?
...Vial les regardait, et moi aussi. Bonne mine...Un peu de sang rose demeurait aux jointures rompues des poussins mutilés, plumés, et on voyait la forme des ailes, la jeune écaille qui bottait les petites pattes, heureuses ce matin encore de courir, de gratter...pourquoi ne pas faire cuire un enfant aussi? Ma tirade mourut et Vial ne dit mot. Je soupirais en battant ma sauce acidulée, onctueuse, et tout à l'heure pourtant l'odeur de la viande délicate, pleurant sur la braise, m'ouvrirait tout grand l'estomac...Ce n'est pas aujourd'hui, mais c'est bientôt, je pense, que je renoncerai à la chair des bêtes...
-Serre-moi mon tablier, Vial. Merci. L'an prochain ...
- Que ferez-vous l'an prochain?
-Je serai végétarienne. Trempe le bout de ton doigt dans ma sauce. Hein ? cette sauce-là sur les petits poulets tendres...N'empêche que..._pas cette année; j'ai trop faim_n'empêche que je serai végétarienne.
-Pourquoi?
-Ce serait long à expliquer. Quand certain cannibalisme meurt, tous les autres déménagent d'eux-mêmes, comme les puces d'un hérisson mort. Reverse-moi de l'huile, doucement..."
Colette, de quelle faim parles-tu...tu as 55 ans...Vial est si jeune...bientôt il n'y a plus qu'une assiette sur la table de la Treille muscate...

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