"Vint un temps où le risque de rester à l'étroit dans un bourgeon était plus douloureux
que le risque d'éclore." Anaïs Nin

lundi 2 mars 2009

Zineb Laouedj - Traduction de l’arabe dialectal par l’auteur

Nouara la folle


Elle lance son cri affolé

Elle défait ses cheveux

Elle les répartit entre les filles de la tribu

Elle s’assoit sur le seuil

Son giron offert au vent

et attend qu’y tombent

les étoiles

et la blancheur de la lune

Elle attend de devenir tronc d’olivier

ou branche de palmier

On lui a dit

que la lune

est une femme

accrochée

par traîtrise

par les yeux
Elle lance son cri, la folle

fille de la folle,

Elle défait ses cheveux

Elle les répartit entre les filles de la tribu

Elle pleure et se lamente

Elle gémit

Elle pousse son cri affolé

Le frère est le frère de sa femme
Elle a offert

sa poitrine au corbeau

pour qu’il en traie

tout le lait. Elle a révélé, en ces temps maudits, que le frère

n’est plus frère

de sa femme

ni frère de sa sœur

Fillette ils m’ont répudiée

Comment vais - je devenir femme ?
Elle a crié

Moi la folle

fille de la folle

Elle a jeté son visage au feu, le feu de son feu s’est brûlé

elle, sublime, est restée

au milieu des braises

Avec la mousse de la cendre elle a fait ses ablutions

et elle a prié sur une tombe oubliée

des femmes hantées par la tristesse depuis la nuit des temps

une stèle pour s’adosser
Debout, tel un saule

droit dans le ciel
Elle a offert sa poitrine

au corbeau

pour qu’il en traie

tout le lait

Elle a révélé, en ces temps maudits

que le lait de la mère

a le goût de l’eau

mais aussi celui du laurier-rose

et de tout ce qui est amer

Elle a crié, crié

de son cri affolé

jusqu'à ce que le hululementdu hibou

retentisse dans le désert

Fillette ils m’ont répudiée

Comment vais-je devenir femme ?

Moi la folle

fille de la folle

en ces temps maudits

le frère ne jure plus

au nom de la saveur du sein

et du lait.


(Alger - Hiver 1993.)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

pourquoi, et au nom de quoi tant de souffrances!!!!!!!! bab